Avec cette nouvelle rubrique je lance une série d’interview des ” Personnalités du Champagne “. Ces interview seront sous forme écrite ou vidéo et les personnalités interviewées seront des chef de cave, des vignerons, des présidents de maisons, etc …
Le premier interview pour cette rubrique est celui du chef de cave d’une maison emblématique de la Champagne, la maison Alfred Gratien, avec Nicolas Jaeger digne successeur de la famille Jaeger qui y sont chef de cave depuis quatre générations.
BullOSphere : Vous êtes Chef de Cave des champagnes Alfred Gratien depuis 2007, Parlez-nous de votre parcours pour arriver jusqu’ici ?
Nicolas Jaeger : Mon parcours est une belle histoire. Nous fêterons mes 26 années chez Alfred Gratien, le 1er juillet prochain. Mais il y a en fait, bien plus longtemps, que je connais cette maison. J’ai joué dans sa cour tout petit, alors que mon Père, Jean-Pierre Jaeger, Chef de Cave, préparait ses levures et ses tirages, ou surveillait ses prises de mousse. Mon Grand-Père l’avait fait avant lui. Nous sommes Chefs de Cave dans cette maison de Père en Fils depuis quatre générations.
BullOSphere : Depuis que vous êtes dans la maison, qu’avez-vous fait évoluer ? Quelle chose voudriez-vous voir évoluer ?
Nicolas Jaeger : Dans la continuité du travail de mon Père je me suis d’abord concentré sur le chai. Il représente à la fois notre héritage et le patrimoine vivant de la maison Alfred Gratien. Il fait son originalité. Car seules quelques maisons perpétuent aujourd’hui la vinification exclusive des vins en fûts, comme nous le faisons. Nous avons fait évoluer le système de rangements des fûts. Leur installation sur des structures métalliques pivotantes facilite désormais considérablement leur manipulation à chacune des étapes de la vinification. L’hygrométrie du chai a été étudiée et améliorée afin de réduire « la part des anges », cette évaporation du vin provoquée par l’oxygénation. En amont de la vinification, un important travail a été mené au niveau de nos approvisionnements, en collaboration avec les vignerons qui nous sont fidèles parfois depuis plusieurs générations. Nos exigences qualitatives ainsi que la diversité des provenances Grand-Cru et Premier-Cru nous offrent à chaque récolte, une palette de vins clairs exceptionnelle. C’est avec elle que nous élaborons notre gamme de Champagnes cousu-main. Au cours des dernières années, nous avons également repensé nos liqueurs d’expédition. Un travail de fond et de précision dont nos vins sortent encore grandis.
Les projets d’avenir résident dans l’image de la maison Alfred Gratien et ses capacités à accueillir, ici, à Epernay. Nous menons actuellement une réflexion pour faire évoluer le site. Elle concerne des embellissements mais aussi l’outil de production et la création d’un showroom. Notre maison va connaître des évolutions dans les quatre années à venir.
BullOSphere : Comment décririez-vous le style de la maison ?
Nicolas Jaeger : Nous élaborons des Champagnes de passionnés, à la personnalité accessible et attachante. Nos vins sont gourmands, généreux, dotés d’une fraîcheur acidulée remarquable. Il y a de la précision dans leur construction, de la rondeur dans leur expression.
BullOSphere : Pour vous quel serait le lieu le plus emblématique de la maison ?
Nicolas Jaeger : Spontanément, deux lieux sont pour moi indissociables. Il s’agit du chai et de la vinothèque. Le chai, car c’est ici que se créent les vins, se transmettent les gestes et les savoir-faire. Il incarne le cœur de la maison Alfred Gratien. La vinothèque est sa mémoire. Reposent dans ce caveau, les créations de mes ancêtres. C’est sans doute en franchissant les grilles de la vinothèque que j’ai été le plus ému, le jour où j’ai pris la suite de mon Père.
BullOSphere : Quels sont vos meilleurs souvenirs liés au monde du Champagne ?
Nicolas Jaeger : Sur un plan très personnel, je citerais deux surprises qui m’ont été réservées par Alain Seydoux, l’un des PDG de la Maison Alfred Gratien. D’abord, ce jour de juin 1990, lorsqu’il m’a proposé de venir travailler avec mon Père. Je passais mes examens le 27 juin. J’entrais chez Alfred Gratien le 1 juillet. Il m’a surpris une seconde fois, en embauchant Delphine, celle que j’allais épouser, le jour où je lui ai annoncé notre mariage. Mais j’aimerais dire aussi combien l’univers du Champagne m’a comblé en belles rencontres et continue de le faire… Ici, chez les vignerons qui nous confient leurs raisins, comme auprès de nos clients, partout dans le monde.
BullOSphere : Quel Champagne occupe une place particulière dans votre cœur ?
Nicolas Jaeger : Un Millésime 1955, dégusté à deux reprises, en famille à Noël, avec un excellent foie gras… Et puis plus récemment, avec quelques confrères, dont Jean-Pierre Mareigner, le Chef de Cave talentueux de la Maison Gosset, qui vient de nous quitter. Je garde le souvenir d’une dégustation mémorable, chargée d’émotion.
Je ne peux pas ne pas évoquer la Cuvée Blanc de Blancs, Millésime 2007, le premier millésime que j’ai vinifié seul.
BullOSphere : Un « mot de la fin » pour conclure cette interview ?
Nicolas Jaeger : Souhaitons à la Champagne une belle vendange, de qualité. Une série de fûts de chêne neufs, élaborés par Jérôme Viard, Maître Tonnelier en Champagne, l’attend déjà dans le chai.